ART BRUT A LA FOLIE !
September 17th - October 25th 2020
Cette exposition couvre plus de cent vingt ans de création d’art brut. Elle propose un large corpus d’œuvres historiques asilaires et médiumniques ainsi que des œuvres «contemporaines».
Anselme Boix-Vives68
Eugène Gabritschevsky71
Madge Gill10
Karel Havlicek98
Emile Josome Hodinos11
Josef Hofer77
Stanislas Holas100
Lubos Plny72
Frederich Schroeder-Sonnenstern99
Henriette Sephir101
Scottie Wilson23
Carlo Zinelli95
Anselme Boix-Vives
France
1899-1969
Art brut
De sa jeunesse de berger catalan, Anselme Boix-Vives a gardé le souvenir flamboyant de la nature. Venu s'installer en France à l'âge de 18 ans, il y exerce divers métiers avant d'ouvrir un commerce de fruits et légumes à Moûtiers en 1926.

Au milieu des années 1950, il entame un projet utopique qu'il portera toute sa vie, un « plan de paix mondiale », manifeste à l'appui.

En 1962, à la mort de sa femme, il arrête son commerce et se consacre à la peinture. Durant sept années, il produira plus de 2 000 œuvres colorées, fortement expressives et originales, où la figure humaine, aux traits souvent simiesques, se mêle à des végétations luxuriantes.
Eugène Gabritschevsky
1893-1979
Art brut
Eugen Gabritschevsky est né à Moscou, en Russie. Fils d’un célèbre bactériologiste, il fait lui-même des études de biologie et se spécialise dans la génétique. Il rédige aussi plusieurs articles remarqués dans les milieux scientifiques. Plus tard, l’étudiant est invité à poursuivre ses recherches à la Columbia University de New York, avant de travailler en 1926 à l’Institut Pasteur, à Paris. Mais Eugen Gabritschevsky est sujet à des troubles psychiques qui le contraignent de mettre un terme à son activité professionnelle. Il est alors recueilli par son frère et sa sœur, qui résident à Munich, avant d’être interné en 1931 dans un hôpital psychiatrique où il demeure jusqu’à sa mort.

Pendant plus de quarante ans, Eugen Gabritschevsky s’adonne à la création artistique, réalisant quelque cinq mille peintures et dessins. Il travaille sur des feuilles de papier récupérées au rebut ainsi que sur des pages de calendrier et des circulaires administratives. Il met en œuvre plusieurs techniques aléatoires : il étale de l’aquarelle ou de la gouache au pinceau ou au doigt, puis intervient avec un chiffon ou une éponge, faisant surgir des formes suggestives. Il exploite ensuite ces émergences par quelques coups de pinceau, donnant naissance à des figures anthropomorphes monstrueuses et à des animaux étranges sur fond de paysages énigmatiques. Eugen Gabritschevsky pratique également d’autres méthodes qui permettent l’irruption d’éléments inattendus, comme le tachisme ou le pliage.
Madge Gill
United Kingdoms
1882-1961
Art brut
Madge Gill est née dans la banlieue de Londres, en Angleterre. Elle est élevée par sa mère et sa tante, puis placée dans un orphelinat, avant de rejoindre le Canada où elle est employée comme servante dans une ferme. Elle revient à Londres à l’âge de dix-neuf ans.
Vers 1903, elle est initiée au spiritisme et à l’astrologie par sa tante. Quatre ans plus tard, elle se marie et donne naissance à trois fils, dont un enfant mort-né. Son deuxième enfant est emporté par l’épidémie de grippe espagnole, en 1918. Madge Gill tombe alors gravement malade et perd l’usage de son œil gauche.

Un an après ce deuil, elle se met à dessiner, écrire et broder, créant une robe d’une grande finesse. Guidée par un esprit qu’elle surnomme « Myrninerest » – que l’on pourrait traduire par « mon repos intérieur » (My Inner Rest) –, Madge Gill travaille debout, la nuit, à la lumière d’une lampe à huile. Elle utilise comme support du carton ou du calicot et trace de manière obsessionnelle, à l’encre de Chine ou au stylo bille, un visage féminin coiffé d’un chapeau qu’elle inscrit dans des décors constitués d’architectures imaginaires.
Karel Havlicek
Czech Republic
1907-1988
Karel Havlicek est né le 31 décembre 1907 à Berlin, dans une famille cultivée. En 1923, il s'installe avec ses parents à Prague, il étudie à la faculté de droit de l'université allemande, en 1934 il obtient son diplôme de docteur en droit.

Karel Havlicek est chef de la police mais à l’arrivée du régime communiste, il est rétrogradé à un poste subalterne.

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Un jour, alors qu’il marchait dans la rue, il s’arrêta et regarda le ciel puis dit à sa femme : « A partir d’aujourd’hui, je vais faire un dessin par jour pour remercier la vie ».

Il a été découvert en 1948, par Karl Teige, le grand théoricien d’art tchèque proche des surréalistes.

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Son œuvre qui représente le plus souvent des métamorphoses de visages, d’animaux monstrueux, peut être lue comme une métaphore du système communiste dont il subit les discriminations et la censure.

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Tout comme Friedrich Schröder Sonnenstern, son œuvre se situe à la lisière de l’art brut et de l’art surréaliste.

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Emile Josome Hodinos
France
Josef Hofer
Austria
né en 1945
Art brut
Biographie

Josef Hofer est en 1945 en Bavière. Lui et son frère Walter, né 5 ans plus tôt, souffrent d’un retard mental, de difficultés d’audition et d’élocution. Josef Hofer souffre également d’une mobilité limitée et ne parle presque pas. Leurs parents les élèvent dans une ferme en Haute Autriche et ne les scolarisent pas.

En 1982, le père d’Hofer meurt et sa mère part vivre à Kirchlag avec ses fils. Dès 1985, Josef Hofer fréquente l’hôpital de jour de Linz et, en 1992, il intègre l’institution de Ried, à Innkreis, en Autriche. Là, Élisabeth Telsnig, historienne de l’art et qui collabore à des ateliers pour handicapés mentaux, rencontre Hofer en 1997, découvre son goût pour le dessin et l’encourage dans cette voie. À partir de 1998, l’œuvre d’Hofer est conservée.
Œuvre

Selon les témoignages, Josef Hofer dessinait déjà enfant, il « recopiait des livres d’images » et représentait « son environnement immédiat, la vie paysanne, les chevaux, les chars, les outils, la vannerie, les machines agricoles. » 1. Néanmoins aucun dessin de cette époque n’a été conservé. Ce n’est qu’en 1998, grâce à l’intervention d’Élisabeth Telsnig, que sa production a été systématiquement préservée. À partir de 2001, Hofer dessine principalement des autoportraits en pied, déshabillés. "Il entoure ses nus avec des cadres, comme pour former un cocon protecteur. Frontaux, crus, le sexe rehaussé de rouge, ses corps sont souvent sans pieds ni tête ou alors contraints dans l'espace restant." 2 Michel Thévoz relie ce phénomène à deux évènements : l’achat d’un miroir dans lequel il s’observe plusieurs heures par jour et la découverte d’un album de quatre photographes américains qui traitent du nu masculin. Le sexe masculin est amplement représenté et l’onanisme est un des sujets récurrents de l’œuvre d'Hofer3.

Elisabeth Telsnig décrit sa méthode de travail comme suit: «Il parcourt l'atelier en riant, saisit immédiatement son matériel, un crayon noir, des crayons de couleur, une gomme et un taille-crayon, et travaille de façon autonome avec une grande persévérance. [...] Il gomme souvent, cherche sans cesse de meilleures positions pour ses figures ou des constructions plus précises pour ses machines. Il m'annonce clairement quand il considère son travail comme terminé, toujours en riant, et m'explique par signes le degré d'achèvement du dessin.»4.

Par le biais d’Élisabeth Telsnig, la Collection de l’Art Brut [archive] possède une centaine d’œuvres de cet artiste. Ce musée lausannois lui a consacré une première rétrospective en 2003 et une seconde en 2012. En outre d’autres collections ont accueilli son œuvre en leur sein telles que The Museum of Everything [archive], Art)&(marge [archive], Arnulf Rainer… Il a également été exposé par la galerie am Stein [archive] et par la galerie christian berst [archive]5.
Stanislas Holas
Czech Republic
1905-1989
Art médiuminique
Stanislas Holas est un artiste médiumnique d’un cercle spirite de Moravie du Sud.

Tonnelier de métier, il fut ensuite gendarme.

Il dessine très tôt jusqu’à un âge très avancé, avec de longues pauses. Il intensifie sa production après la mort de sa femme, en 1969.

Ses dessins sont présentés dans diverses expositions médiumniques en Tchécoslovaquie et à New York en 1937.

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Les représentations figuratives de ses premiers dessins (autour des années 1920) disparaissent dans les œuvres des années 1940, qui représentent des objets vibrants aux couleurs chaudes, ou des formes rondes et ondulatoires. Sur certains de ses dessins on distingue des écritures spirites. A partir des années 60, il travaille à l'encre de chine qui témoigne de son inspiration puisée dans les ornements caractéristiques des costumes folkloriques de la Moravie du Sud.
Lubos Plny
Czech Republic
né en 1961
Art brut
Frederich Schroeder-Sonnenstern
Germany
1892-1982
Art brut
D’origine lituanienne, Friedrich Schröder-Sonnenstern (1892 – 1982) est né en Russie, dans la région de Sovetsk (anciennement Tilsit), près de la frontière allemande. Deuxième d’une famille de treize enfants, il ne reçoit pratiquement aucune éducation de ses parents qui le délaissent. Dès l’âge de quatorze ans, il est placé dans une maison de correction pour vagabondage, vol et voies de fait. Plusieurs autres internements suivront entre lesquels il parvient à terminer un apprentissage en métairie et à exercer ce métier. En 1918, à la suite du vol d’un cheval, il est déclaré irresponsable et interné à la clinique de Sovetsk, d’où il sort moins de deux ans plus tard pour retourner vivre chez ses parents. Il s’enfuit ensuite pour Berlin, où il vivra sous le faux nom de Gustav Gnass. Avec la complicité de sa compagne, il gagne sa vie en escroc, pratiquant l’astrologie et le magnétisme curatif, entre autres. Il est ensuite condamné à plusieurs reprises et interné dans un hôpital psychiatrique situé dans le district de Neustadt, en Allemagne. C’est là qu’il aurait commencé à dessiner.

Excluant une maladie mentale caractérisée, le rapport médical autorise sa sortie en 1934. Durant la Seconde Guerre mondiale, sa survie aux campagnes d’extermination nazie des personnes mentalement déficientes reste un mystère. Reprenant le dessin à la fin des années 1940, il commence à vendre ses œuvres et à se faire connaître, notamment dans le milieu surréaliste. Il cesse de dessiner après le décès de sa femme en 1964 et sombre dans la dépression et l’alcoolisme. Ses œuvres, jugées scandaleuses lors de leurs premières expositions, représentent des personnages composites, sortes de monstres mi-humains mi-animaux, dans des postures souvent très sexualisées.
Henriette Sephir
France
Art brut
Née à Montmaurin, près de Toulouse, en France, Henriette Zéphir est élevée jusqu’à l’âge de onze ans par ses grands-parents. Elle obtient son certificat d’études. Elle aurait ensuite souhaité étudier le dessin dans une école d’art mais ses parents s’y opposent. Elle se marie à un Martiniquais avec qui elle a deux enfants. Après le mariage, le couple prévoit de s’installer en Martinique, mais au cours du voyage, le bateau sur lequel ils ont embarqué reste bloqué au Maroc, à Casablanca. Henriette Zéphir y demeure seule pendant deux ans et demi alors que son mari est mobilisé. Rapatriée en France vers 1945, elle s’installe aux Antilles avec son mari en 1947, avant de divorcer et de s’établir avec ses deux enfants à Nice, puis à Castres.

Peintre médiumnique, elle dit « travailler dans l’occulte », avec l’aide de son guide dénommé Don Carlos. Celui-ci se manifeste à elle cinq ans après son retour en France, en 1961. Henriette Zéphir prétend qu’il aurait été son compagnon dans une vie antérieure. Sous son influence, elle réalise d’un trait ininterrompu plusieurs dizaines de dessins à la mine de plomb et au stylo à bille, dont les formes sinueuses évoquent des guipures.
Scottie Wilson
Scotland
Carlo Zinelli
Italia
1916-1974
Art brut
Carlo, de son vrai nom Carlo Zinelli, est né près de Vérone, en Italie. L’enfant perd sa mère à l’âge de deux ans. Sept ans plus tard, son père, menuisier de formation, l’envoie travailler dans une ferme. Par la suite, Carlo devient apprenti boucher aux abattoirs municipaux de Vérone. Il est ensuite enrôlé pendant la Seconde Guerre mondiale dans la section des chasseurs alpins. Dès lors, les premiers signes de troubles psychiques se manifestent ; à trente et un ans, il est interné à l’hôpital San Giacomo de Vérone. Dix ans plus tard, il se met à graver des graffitis sur les murs de l’établissement. Face à son besoin de s’exprimer, la direction de l’hôpital l’invite à fréquenter l’atelier de peinture et de sculpture créé en 1957.

Carlo va réaliser près de deux mille œuvres. Son langage graphique est caractérisé par une accumulation de motifs et par les changements de points de vue et d’échelles. Il peint à la gouache sur le recto et le verso de feuilles de papier des personnages et des animaux de profil, et assortit ses compositions d’inscriptions.