Hôtel Moderne
Du 1er décembre 2023 au 14 janvier 2024
Hôtel Moderne sera le troisième solo show de Mr Djub à la galerie des Yeux Fertiles. Mr Djub est aussi connu sous le nom de Djubaka comme programmateur musical et chroniqueur à France Inter. Dans le cadre de cette exposition, il présentera pour la première fois son théâtre de papier : scalpé, découpé et collé à partir de papier imprimé du xixe siècle. Les éditions Venus d’ailleurs éditeront à cette occasion un livre à tirage limité de ce théâtre miniature.
« Le temps est élastique, les sources de mes collages sont des des- sins des gravures issues de l’âge d’or de la presse illustrée et popu- laire de journaux parus entre 1860 et 1900, un monde à cheval entre le Second Empire, les débuts de la IIIe République, et les premiers pas de la belle époque. Mon nouveau terrain de jeu pour cette exposition se concentre sur les vingt-cinq dernières années du xixe siècle. Nous sommes à Paris, ville-monde qui s’ouvre à toutes les modernités. Alors que Paname dépasse déjà les deux millions d’habitants, l’ex- position universelle de 1878 va voir défiler seize millions de pèlerins avides de modernités et de rêves. Les hôtels de luxe ou de rien de- viennent des antres à histoires, Paris connaît un bouleversement de pierre et d’âme, le mouvement est perpétuel. Hôtel moderne raconte les secrets et mensonges de personnages qui vont entre deux des- tinations poser leurs valises dans une ville iconoclaste, hétéroclite, disparate et monstrueusement accueillante. Ici, la nuit ne finit jamais. Pour un temps, la grande bourgeoisie fraye avec les pégriots, les artistes qu’ils soient de scène ou de chevalet fourmillent, les mouve- ments artistiques des Zutistes, Hydropathes et des Arts Incohérents mènent la danse et proposent une vraie contre-culture. Les sociétés secrètes recrutent à tour de bras. Les merveilles et bizarreries de la nature montent sur les planches et remplissent les salles. Paris est un aimant à ré-enchantement. Les cinquante collages d’Hôtel mo- derne ont été conçus dans l’esprit d’un cadavre-exquis mâtiné d’Ouli- po. La contrainte des images imprimées et l’histoire qui les fait surgir poussent à la rencontre. Chaque collage recèle d’un bout de men- songe ou d’une vérité cachée. C’est aussi dans cet état d’esprit, et sans forcément le vouloir, qu’ont travaillé les dessinateurs et graveurs à qui j’emprunte et remixe des images. Leur rôle consistait à raconter l’extraordinaire sans jamais l’avoir vu, un témoignage par procuration. D’autres qu’eux avaient assisté aux drames qu’ils devaient raconter, crayon- ner. Le désir d’informer contrairement aux journalistes n’était pas forcément destiné à être véridique, précis. Leur espace était celui de l’extravagance, leur mission donnée du réalisme à l’inconnu. Cette contre-vérité était ensuite confiée au graveur du journal à qui le dessin, dorénavant, appartenait. Il avait le pouvoir de le modifier, de continuer à nourrir cet imaginaire, une fake news sans volonté de nuire. Cette fabulation du quotidien, devient la mienne. Le passé nous rattrape. Paris est une fête, on l’avait presque oublié. »
MR. DJUB93
MR. DJUB
France
Surréalisme
MR. DJUB
 
« J’ai réalisé mon premier collage en 1983. J’avais 14 ans, j’étais punk, je faisais des fanzines. Une époque où l’on fabriquait toutes les maquettes de manière traditionnelle… En France, l’héritage punk et situationniste était déjà bien ancré. Le collage était donc une pratique naturelle, mais dans une application surtout politique, dans l’idée du slogan. Le collage a une histoire fascinante. Certains remontent à Charles Dufresny au XVIIIe siècle. Pour ma part, je suis émotionnellement relié aux dadaïstes Raoul Hausmann, Hannah Höch ou John Heartfield ainsi qu’aux surréalistes bien sûr et particulièrement avec Max Ernst – c’est à cette période précise que je suis le plus attaché. Ensuite, j’aime la façon dont les gens d’art brut ont fait évoluer les choses en combinant les techniques, passant du papier aux objets pour se raconter. Le collage est plus une pratique commune qu’un mouvement à proprement parler, c’est une réalité. Par contre, un état d’esprit soude les collagistes : le stakhanovisme de l’affaire. Ce sont tous des furieux du scalpel qui veulent faire surgir d’un matériel étranger un sens nouveau, une malice de détournement. Et le vrai truc là-dedans reste jusqu’où tu es capable de pousser l’exercice. Je crois aussi qu’il faut savoir distinguer les collagistes des addicts de l’ordinateur et de l’assemblage digital.  Je ne travaille que sur des journaux parus entre 1840 et 1880 pour des raisons de cohérence. Un des avantages du collage, c’est justement son manque de repère. En ce sens, aucun dogme n’enferme sa pratique, il n’a donc pas d’école définie, et j’adore cela, moi qui revendique mon état d’autodidacte ayant été éjecté de l’Éducation nationale à 16 ans. Ernst disait : « Si ce sont les plumes qui font le plumage, ce n’est pas la colle qui fait le collage.» En art, rien ne peut se résumer à une technique. »
 
Mr Djub vit et travaille à Paris (France). Il réalise ses premiers collages en 1983. Claude Roffat, reconnu et respecté pour son travail auprès des singuliers français, créateur de la référentielle revue d’art singulier et brut L’Œuf sauvage, expose l’artiste dans sa galerie de Paris au crépuscule des années 1980. À partir de 2010, Mr Djub complexifie sa technique de collage, décidant de créer uniquement à l’aide de « papiers anciens » – des gravures imprimées entre 1840 et 1890 éditées dans le cadre de publications populaires d’actualités art, culture, politique et faits divers. Recherchant la vérité d’un papier fragilisé et généralement difficilement conservé, ses créations rejettent les gestes – tels que reprographie, réequilibre des couleurs, surlignage à l’encre – autres que ceux imposés par une paire de ciseaux et un scalpel. Mr Djub est également Djubaka (programmateur musical pour la radio nationale France Inter) et la moitié du duo d’activistes Anne & Julien, fondateurs du projet artistique HEY! modern art & pop culture en 2010.

Texte : Anne Richard
 
À lire : Les Mondes Promis, illustrations Mr Djub, textes Rosita Warlock (éditions Rackham).