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Rozsda Endre

Endre Rozsda est né le 18 novembre 1913 à Mohács, une petite ville hongroise située sur les rives du Danube. Issu d’une famille bourgeoise, son père, Ernő Rosenthal, était propriétaire d’une briqueterie et sa mère, Olga Gomperz, descendait d’une famille juive d’origine portugaise. Les expériences de son enfance ont déterminé toute son œuvre. Il a mis au point une technique artistique qui lui a permis de créer, à partir de ses souvenirs, un monde singulier et surréaliste : « De mes souvenirs et de la lumière, je fais un tissu dense et je contemple jusqu’à ce qu’il s’anime et me rende mon regard, et se dresse en face de moi. C’est le temps que je veux saisir, ordonner, évaluer. Le temps, l’oubli multicolore et lumineux ; des jouissances et des souffrances, le temps fait ses perles. Autour, je tresse le lierre de mes souvenirs. Je ne veux ni estimer, ni expliquer mais comprendre. Je pose ma tête sur le temps et j’écoute ce qu’il me dit. »

Débuts Artistiques et Premiers Succès

Rozsda a décidé très tôt qu’au lieu de la carrière que sa famille lui destinait, il serait peintre. Il a acquis les rudiments du métier à l’école des beaux-arts de Vilmos Aba-Novák. Sa première exposition individuelle, organisée à la Galerie Tamás en 1936, alors qu’il avait seulement 23 ans, eut un retentissement considérable. Il fut loué par les critiques, et le Musée des Beaux-Arts de Budapest lui acheta un tableau. Dans un article élogieux, le quotidien Az Est nota à propos du jeune peintre : « Rozsda surprend par l’ampleur de son talent. Peu d’artistes ont su peindre des femmes âgées, des mendiantes, comme il l’a fait. Sur quelques-uns de ses beaux tableaux, une voile tissée de brume et de lumière amplifie la réalité jusqu’à la transformer en une apparition quasi musicale. »

La première période de Rozsda, qui le rattache au style postimpressionniste hongrois, a pris brusquement fin sous l’effet d’un concert de Béla Bartók. Malgré son succès, Rozsda a compris en écoutant le compositeur que dans sa peinture, il n’avait pas été jusque-là « contemporain de [s]oi-même ». En 1938, il partit à Paris en compagnie du sculpteur Lajos Barta. Il y poursuivit ses études à l’École du Louvre. Dans la capitale française, il se lia d’amitié avec Árpád Szenes, Vieira da Silva, et Françoise Gilot, la future compagne de Picasso, à qui il donna des cours de peinture. Rozsda fit également connaissance avec Max Ernst et Alberto Giacometti. Sa peinture changea totalement, se rapprochant du surréalisme.

Retour en Hongrie et Maturité Surréaliste

L’occupation allemande le contraignit à retourner en 1943 à Budapest, où son style surréaliste atteignit sa maturité (Amour sacré, Amour profane, 1947, Musée des beaux-arts de Dijon). Après la Seconde Guerre mondiale, Rozsda participa à la fondation du groupe d’artistes hongrois Európai Iskola [« École Européenne »]. Il participa régulièrement aux expositions du groupe. Selon l’historienne de l’art Krisztina Passuth, il fut une des figures les plus marquantes de l’École Européenne. Le groupe se dissout en 1948, le régime communiste hongrois ne tolérant pas l’art abstrait et surréaliste. Durant les années suivantes, Rozsda réalisa des illustrations de livres, mais il ne pouvait peindre que clandestinement, sans pouvoir exposer ses œuvres.

Retour en France et Reconnaissance

À la suite de l’écrasement de la révolution de 1956, Rozsda s’installa définitivement en France. Il entra en relation avec Raymond Queneau et André Breton, qui préfaça le catalogue de son exposition à la Galerie Furstenberg en 1957. Rozsda participa à l’exposition internationale du surréalisme à Milan en 1961 et remporta en 1964 le prix Copley, dont le jury était composé de Hans Arp, Roberto Matta, Max Ernst, Man Ray, Roland Penrose, Herbert Read et Marcel Duchamp.

Évolution Artistique et Dernières Années

Durant les années 1960, la peinture de Rozsda subit une nouvelle transformation : de la tension ou de l’harmonie nées de l’alternance de structures élaborées de manière architectonique et de couleurs tourbillonnantes, il créa des microcosmes d’une richesse de détails exceptionnelle. Son aspiration à « maîtriser le temps » et à dissoudre la réalité dans son imagination continuait de se nourrir du surréalisme, bien que son mode d’expression s’apparentât de plus en plus à l’abstraction lyrique.

Rozsda obtint la nationalité française en 1970. En 1979, il installa son atelier au Bateau-Lavoir, où il travailla jusqu’à la fin de sa vie. La dernière exposition à laquelle il assista personnellement fut inaugurée en 1999 par l’écrivain Péter Esterházy à la Galerie Várfok à Budapest. Esterházy nota : « Ces tableaux ne se révèlent que difficilement. Il faut les regarder longuement, silencieusement, s’y absorber. Mais ils parlent dès le premier regard, possédant une structure mélodique commune qui semble dire que le monde est beau. »

Endre Rozsda repose au cimetière Montmartre à Paris.
« RETROUVAILLES »

Ce sont tout d’abord des Retrouvailles avec la ville de Paris, adoptée, aimée par Rozsda, arpentée inlassablement avec crayon et appareil photo. Retrouvailles, aussi, avec le quartier de St Germain des Prés où André Breton avait présenté ses toiles pour la première fois en 1957, place Fürstenberg dans la galerie de Simone Collinet, la galerie même où Joyce Mansour a présenté en 1963 la dernière exposition publique de Rozsda.
Retrouvailles, ensuite, avec les œuvres que Rozsda avait cachées au public depuis 1963, dont la galerie Les Yeux fertiles nous offre une belle sélection.
Enfin, la galerie Les Yeux fertiles nous permet des Retrouvailles avec l’esprit promeneur de Rozsda : elle est située en bas de la rue de Seine, juste en face de la rue des Beaux-Arts, avec vue sur l’Académie des Arts, l’ancienne librairie du Minotaure et l’hôtel des Beaux-Arts où Rozsda avait rencontré Jorge Luis Borges.

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